L'Académie des Beaux-Arts se penche sur "Le sein, cet illustre connu et inconnu..."
« Couvrez ce sein que je ne saurais voir », lance, impérieux, le Tartuffe de Molière à Dorine, la servante, en lui tendant un mouchoir à la vue du haut de sa poitrine émergeant du corsage traditionnel des soubrettes classiques. « ...Et cela fait venir de coupables pensées ». A cette admonestation, Dorine réplique avec le franc parler de la nature : « Je vous verrais nu du haut jusques en bas, que toute votre peau ne me tenterait pas ».
Dans le raccourci saisissant du théâtre, Molière hausse au symbole le sein de Dorine et dénonce les contradictions que la société y a attachées.
Voilà, déjà, pour la littérature.
Le dossier conçu et élaboré par François-Bernard Michel et Lydia Harambourg sur le thème du sein entreprend de cerner le mystère que les philosophies ont secrété au long de l'Histoire, en embrassant largement les oeuvres de peintres, sculpteurs, graveurs, aujourd'hui des photographes - avec une incursion dans l'imagerie médicale -, qui en offrent l'illustration
SEIN ? Le mot est aussi banal et figuré qu'ambigu, voire mystérieux.
Après le sens propre de mamelle - la glande mammaire caractéristique des mammifères -, se sont multipliés en tous sens les sens figurés (coeur, intime, ventre, centre, sinuosité, source), témoignant de l'ambiguïté du mot et de sa diversité symbolique.
Si ce numéro de La Lettre de l'Académie se consacre au thème du sein féminin dans les arts plastiques, c'est donc pour invoquer, au-delà des formes et couleurs, le mystère du sein.
Qui pourrait se prétendre capable d'imaginer l'extrême diversité des figures physiques et mentales que suscite, pour une femme elle-même, la seule énonciation du mot sein ? Prononcer le mot fait surgir immédiatement une multitude de représentations différentes, liées à l'âge, la culture, l'histoire personnelle et familiale, la santé et la maladie, la situation psychologique de femme-femme (séductrice) ou de femme-mère (nourricière).
La plupart des artistes ont doublement figuré ce double statut du sein et de la femme. Durant sa vie et son oeuvre brèves, Giorgio da Castelfranco a talentueusement célébré le sein érotique de l'énigmatique Laura, dévoilé par son manteau rouge au revers de velours noir, et le sein allaitant que reluque le voyeur étrange de La Tempête.
Au-delà des apparences et fonctions et de leurs binômes beauté/laideur ou érotisme/nutrition, l'essence des innombrables seins de l'art demeure bien inaccessible. A l'homme, à la femme elle-même et évidemment aux artistes, aussi accomplies que soient leurs oeuvres. L'inaccessible du sein procède en effet de cette autre anatomie, éventuellement sans rapport avec la réelle, que je qualifierai de psychique, et selon laquelle chacun(e), sans distinction de sexe ou de technique artistique spécifique, a élaboré sa représentation du sein.
C'est cette anatomie singulière qui a, dans l'Histoire des Arts, généré le gigantesque album des seins, dont le contenu éclaire, sans le résoudre, le mystère.
Si, par définition, tout mystère est insondable, il n'est pas interdit de le scruter.
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